Approche psychomotrice en soins palliatifs


DEFINITION DE SOINS PALLIATIFS

Selon l’OMS (Organisation Mondial de la Santé), les soins palliatifs sont une approche pour améliorer la qualité de vie des patients (adultes et enfants) et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à des maladies potentiellement mortelles. Ils préviennent et soulagent les souffrances grâce à la reconnaissance précoce, l’évaluation correcte et le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychosocial ou spirituel. (OMS, 5 août 2020) définition soins palliatifs OMS

 

MA PLACE DE PSYCHOMOTRICIENNE EN EQUIPE DE SOINS PALLIATIFS

Il est vrai que côtoyer la mort de si près en unité de soins palliatifs, n’est pas possible pour tout le monde. Je me suis donc demandée quel sens je donnais à la vie ou à la mort ? Quel avenir je souhaitais donner à mon métier de psychomotricienne et à ma pratique ? Quelle opinion j’avais de l’euthanasie ? Plus tard, au cours de ma pratique, j’ai su que la plupart des professionnels travaillant auprès de patient en fin de vie s’étaient également posés ce genre de questions, pour des raisons personnelles comme pour leur pratique dans l’accompagnement en fin de vie. J’ai également compris que lorsqu’on prend en charge un patient, nous créons un lien « soignant-soigné » et lorsque le patient décède nous aussi devons faire le deuil de celui-ci. C’est pourquoi, dans certains services, il existe des groupes de paroles dirigés par un psychologue, afin que les maux puissent être mis en mots. L’équipe et moi-même avons pu travailler ensemble auprès des patients grâce aux échanges lors des staffs médicaux, des réunions de services, des temps informels, lorsque nous nous croisions dans l'unité de soins palliatifs ou pendant les toilettes, ou les soins douloureux, où nous partagions nos pratiques. Mais aussi grâce au lien que nous avons su mettre en place, à chaque fois que j’ai rencontré un patient mes collègues avaient au préalable présenté mon métier de psychomotricienne et l'accompagnement que je pouvais proposer.

Les premières rencontres se sont toujours faites avec mes collègues, de manière à ce qu’un lien soit fait entre eux, le patient et moi-même. Ce sont grâce aux échanges avec l’ergothérapeute, le kinésithérapeute, le psychologue, les soignants sur le quotidien ou les capacités du patient, que je peux établir un profil psychomoteur auprès des patients en soins palliatifs et évoluer dans la prise en soins psychomotrice. Ainsi, apporter une prise en charge globale aux patients en soins palliatifs c’est partager nos ressentis, nos expériences vécues et nos questionnements sur ceux-ci. Dans notre existence, nous avons tous pensé un jour à l’image que nous renvoyons à l’autre. C’est pourquoi, en tant que soignant ou intervenant, il est important de prendre le temps de parler avec les patients en soins palliatifs, afin de mieux apprécier l’identité de cette personne et ses habitudes de vie. Connaître le sentiment de notre patient en soins palliatifs, ce que lui renvoie son corps, ce qu’il en pense, c’est essayer de comprendre ensemble les difficultés émotionnelles qu'il rencontre lorsqu’il est atteint psychiquement ou corporellement d'une maladie incurable.

 

EVALUATION PSYCHOMOTRICE DES BESOINS DU PATIENT EN SOINS PALLIATIFS 

Comme pour toute prise en soins, la notion de projet de soin ici projet de vie en soins palliatifs est important. Ce projet donne de l’importance aux choix du patient, à ses valeurs, à son cheminement de vie. Il me semble indispensable de communiquer avec les autres soignants (rééducateurs, psychologues, assistante sociale) pour recueillir les souhaits du patient et être au plus près de ses désirs dans notre accompagnement de fin de vie.

L’évaluation psychomotrice peut commencer par des échanges avec l’équipe soignante (rééducateurs, psychologue et assistante sociale compris). S’informer sur la compréhension du patient sur sa maladie, ce qu’il en pense, ses projets, son rapport aux soins et ses besoins réels. Elle peut se poursuivre avec des échanges auprès de la famille du patient.

L’entretien avec le patient est primordial, en psychomotricité nous ne voyons pas seulement l’aspect psychique et moteur, nous sommes également attentifs au vécu corporel et à la souffrance globale (physique, psychologique, sociale et spirituelle), à travers l’observation clinique de la régulation tonique, de l’expressivité des émotions et de la communication verbale et non verbale.

L’évaluation psychomotrice s’appuie sur une observation clinique avec la possibilité d’évaluer également quelques items psychomoteurs à travers des tests. Voici les items psychomoteurs souvent évalués en soins palliatifs :

  • Le schéma corporel peut être évalué par les somatognosies, l'Evaluation de la Motricité Gnosopraxique distale (EMG), l'imitation de geste homolatéraux de Piaget-Head, ou encore les praxies. Ces tests permettent d’évaluer les repères corporels qui peuvent être mis à mal par la maladie, les traitements ou l’alitement prolongé. Le psychomotricien s’intéresse à la mise en mouvement du corps, à l’investissement du corps dans les différents espaces et à l’adaptation de celui-ci dans l’environnement.
  • L’image du corps peut être estimé lors des échanges en entretien ou par le dessin du bonhomme ou autoportrait. L’intérêt ici pour le psychomotricien, s’est d’évaluer l’impact d’une maladie grave sur l’identité corporelle du patient (angoisse et altération psychomotrice) ainsi que la menace de l’intégrité psychocorporelle.
  • La régulation tonico-émotionnelle s’évalue grâce à notre observation clinique de la posture, de la respiration et peut s’appuyer également sur des mobilisations (activo-passives) pour apprécier le niveau de tension/relâchement et la capacité de modulation du tonus.
  • L’équilibre et les processus de coordination sont importants pour quantifier et qualifier l’ancrage par rapport à l’axe corporel, par rapport à la verticalité et aux capacités de mobilisation du corps dans l’espace ainsi que les coordinations gestuelles et le lien entre les différentes parties du corps. L’équilibre peut être évalué grâce au Minimum Moteur Test, Times Up And Go Test, au Tinetti. Les coordinations dynamiques vont être évaluées grâce à des mises en situations gestuelles avec du matériel (balle, foulard, …) ou par l’accompagnement dans la vie quotidienne (déplacement du lit vers la salle de bain, prise en main d’un pichet pour se servir de l’eau, par exemple).
  • L’espace et le temps ces items sont évalués pour comprendre les repères du patient au niveau temporel (son rapport au temps, à la maladie = où il se situe dans sa temporalité), comprendre son rythme (ralentissement psychomoteur, agitation motrice, immobilité).

 

Un accompagnement en soins palliatifs où la psychomotricité, soin englobant et unifiant, a une place essentielle. La psychomotricité porte une attention particulière aux émotions : émotions de l’esprit mais aussi émotions du corps, chacune étant le reflet de l’autre. La psychomotricité est un soin englobant et unifiant tenant compte du patient dans sa globalité, elle fait le lien entre les différentes souffrances (physique, psychologique, sociale et spirituelle) et la communication verbale et non-verbale.

 

QUELQUES MEDIATIONS PSYCHO-CORPORELLES EN SOINS PALLIATIFS 

  • La relaxation : permet une détente musculaire, une baisse de la vigilance, un bien-être physique et psychologique.
  • Le toucher thérapeutique : comme action du « Gate Control » elle permet un toucher antalgique sur la zone douloureuse.
  • La mobilisation corporelle permet de retrouver les sensations d’un corps en mouvement, d’accéder au plaisir sur un mouvement particulier comme l’ouverture du corps.
  • Le bain thérapeutique L’enveloppement de l’eau permet un sentiment de portage, de contenance qui peut apaiser des angoisses. Le bain thérapeutique permet un relâchement musculaire et permet une revalorisation du corps.
  • La musicothérapie Utilisation du son et des vibrations sonores sous toutes leurs formes. Apaisante, relaxante, lien patient-soignant-famille.
  • L'approche Snoezelen une démarche d'accompagnement, un état d'esprit, un positionnement d'écoute et d'observation, basé sur des propositions de stimulation et d'exploration sensorielles, privilégiant la notion de « prendre soin »
  • La thérapie d’Activation de l’attention et de la conscience ou Hypnose médicale Expérience d’état modifié de conscience, induit par une focalisation prolongée de l’attention en vue d’apporter des changements positifs des perceptions. Permet une diminution des angoisses de mort.

 

L'APPROCHE PSYCHOMOTRICE EN SOINS PALLIATIFS

A mon sens, chacun de nous possède des fragilités psychocorporelles. Elles varient en fonction de notre histoire, de nos expériences, de notre développement psychomoteur et de la manière dont notre corps a été investi, par nous-mêmes et par les autres. Chacun trouve ses propres solutions afin de vivre avec ses fragilités et s’adapter aux exigences de son environnement. Selon les événements de vie auxquels nous sommes confrontés, certains systèmes de compensation mis en place deviennent inefficaces. Lors d’une maladie grave, d’une hospitalisation et de fin de vie ces fragilités psychomotrices s’accentuent, et sont alors source de souffrance. Comment travaille le psychomotricien auprès des patients en soins palliatifs ? Comment accompagne-t-il ceux-ci dans leur projet de vie ? Comment travaille-t-il avec la famille ?

 

LE TRAVAIL DU PSYCHOMOTRICIEN AUPRES DU PATIENT EN SOINS PALLIATIFS

 Les « phases du mourir »

Kübler-Ross E., Psychiatre Suisse, a interrogé des patients en phase terminale, et a défini des « phases du mourir » :

La première réaction, et ce dès l’annonce de la maladie incurable, est le choc. La personne est comme stuporeuse, tout est figé (son organisme, ses émotions, ses pensées) ; elle est abasourdie.

S’en suit alors une phase de déni, ou le patient ne change pas son quotidien, continue à travailler. Il consulte différents médecins espérant un meilleur diagnostic.

Puis, affrontant la réalité, le malade passe par une phase de colère, se sentant injustement touché : « pourquoi moi ? ».

La quatrième phase est dite de marchandage : le patient « négocie avec Dieu la prolongation de sa vie, promet de bien se conduire et de se consacrer à la religion s’il échappe à la souffrance ». Il promet aux soignants qu’il sera un « bon patient » afin qu’en échange, ils lui permettent de vivre plus longtemps.

Le malade accède alors à la phase de dépression, se repliant sur lui-même en s’éloignant de l’environnement extérieur (il refuse progressivement les visites).

Enfin, il parvient à la phase d’acceptation. Cette dernière étape va permettre au patient de mettre de l’ordre dans sa vie, de régler des problèmes ou des conflits qu’il avait mis de côté. Si l’entourage a cheminé de son coté, une nouvelle communication voire une complicité perdue peut se (re)mettre en place. Le malade peut alors « mourir en paix ».

Cependant, Kübler-Ross E. modère ses propos car « les patients ne suivent pas nécessairement un schéma classique qui les mèneraient de la phase de déni à la colère, puis au marchandage, à la dépression et à l’acceptation. La plupart de mes malades ont simultanément traversé deux ou trois phases ; celles-ci ne se présentent donc pas toujours dans le même ordre ».

Le psychomotricien doit avoir connaissance de ces différentes phases afin de savoir où en est le patient et de l’accompagner au mieux. En effet, l’attitude corporelle et la disponibilité psychique du patient en soins palliatifs ne seront pas les mêmes selon les phases. Durant l’étape de choc, le patient est difficilement mobilisable. Il peut être comme coupé du monde extérieur submergé par l’émotion provoquée par l’annonce. Lors de la phase de colère, il peut tout rejeter : la psychomotricité, les soignants, son entourage. Il peut alors se replier sur lui-même et être envahi par la tristesse. La phase d’acceptation, elle, est synonyme d’abaissement des tensions musculaires mais aussi psychiques et pulsionnelles.

Chaque individu ne passe pas par les mêmes étapes en même temps. Il est donc important d’être à l’écoute des émotions du patient afin de le prendre en charge à son rythme propre avec sa problématique et ses besoins au moment présent.

Source : KUBLER-ROSS E., 1998, (p.11) 39 Ibid (p.35)

 

L'ACCOMPAGNEMENT DU PSYCHOMOTRICIEN DANS LE TRAVAIL DU TREPAS/DEUIL DU PATIENT EN SOINS PALLIATIFS

De M’Usan M., relate dans son livre De l’art à la mort, le travail du trépas. Deux idées fortes en ressortent : en fin de vie, la pulsion* de mort est très présente, cependant en stade de phase terminale, il y a une pulsion de vie extraordinaire qui touche à la passion. Cette pulsion de vie qui peut être qualifiée de mouvement passionnel, De M’Uzan la décrit comme une tentative désespérée de recréer une dernière dyade. Il montre que le patient « cherche » une personne qui pourra lui servir de parent (désir inconscient), il veut retrouver la passion des origines, celle de la mère et de son nouveau-né. Il met une énergie désespérée à recréer cet amour inconditionnel pour ce premier objet d’amour qui ne nous a jamais quittés. Cette recherche passionnelle cependant est de l’ordre de la sexualité, c’est une passion physique ; dans leur grand état de faiblesse, les malades nous évoquent souvent le nourrisson, mais ce sont des adultes. Ce que souhaite le patient c’est retrouver une chaleur humaine, être pris dans les bras, avoir un contact au corps à corps. Or la famille face à un tel appel, dans la plupart des cas, fuit. Elle peut se dire que si elle se prête à ce « jeu », elle meurt emportée par le malade. C’est pourquoi, le psychomotricien, grâce à sa formation, s’il s’en sent capable et si le cadre est bien posé (temps limité, nombre de séance) accompagne le patient dans ce travail de trépas, et notamment dans cette pulsion de vie. Dans le fantasme, on peut supposer que le psychomotricien se prête à cette dernière dyade. Même sans langage, il y a une possibilité de garder une présence à l’autre.

Source : De M’UZAN M., (1993), De l’art à la mort, Paris, Gallimard.

MALLARD B. Face à la mort, séparation ou trépas ? dans cahiers de psychologie clinique 2008/2 (n°31) pages 135-146

 

LE TRAVAIL DU PSYCHOMOTRICIEN AUPRES DE LA FAMILLE 

Le travail de pré-deuil

Face à l’impossibilité d’arrêter ce cheminement vers la mort, la famille se sent complètement impuissante. La famille commence alors à défaire les liens qui les rattachent au malade. Pillot J., évoque deux renoncements dans ce travail de déliaison :

- « Le renoncement à un avenir commun » : Les proches doivent se séparer de tous projets d’avenir avec l’autre, et vivre au jour le jour, le moment présent avec le malade.

- Le deuxième renoncement implique l’image corporelle de cette personne aimée, sans cesse changeante. Comme dit Mme P. de son époux : « handicapé à ne plus rien pouvoir faire ». Cette étape de pré-deuil est particulièrement délicate, tant que le malade vit, il sollicite l’attention, la présence des siens et peut par moments laisser ressurgir l’espoir. C’est pourquoi le psychomotricien peut intervenir dans l’accompagnement et le soutien de la famille d'un patient en soins palliatifs.

En proposant une alliance thérapeutique à Mme P., en offrant à ce couple un cadre contenant lors des séances : une écoute, de la valorisation, la restitution du patient en tant que personne. En rendant Mme P. active lors d’une prise en charge : je lui propose que nous travaillions ensemble sur la relation du corps : l’approche corporelle et verbale avec son mari. Ou je leur propose une séance autour du toucher, de l’enveloppe, et de la respiration en faisant ensemble. J'invite également Mme P. à verbaliser sur ses ressentis, son vécu, je fais participer Mr P. et lui propose également de communiquer, Ainsi, le guidage que je propose en tant que psychomotricienne, à Mme P. permet de lui montrer des gestes adaptés et de revaloriser ses compétences dans le « prendre soin » avec son mari.

 

Le travail de deuil

Le travail de deuil ne peut commencer qu’à la perte effective de l’être cher. Le deuil fait référence à toute la souffrance et la tristesse qui accompagne cette perte. Le travail de deuil concerne tout un travail psychique de séparation, pas à pas, avec l’objet d’amour. L’accompagnement de l’équipe pluridisciplinaire s’en suit même après le décès : certains établissements ont mis en place une carte, où chacun des professionnels qui a suivi le patient, écrit un mot en fonction de son désir ou non et celle-ci est remise à la famille. 

 

CONCLUSION 

Dans cet article, j’ai présenté la définition des soins palliatifs selon l'OMS, néanmoins lorsque je propose une formation j'aime également apporter la définition de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) qui est complète et qui permet d'aborder les notions de traitements, de douleurs, d'étiques ainsi que de la loi Leonetti.  J'ai également abordé l'approche psychomotrice dans l'accompagnement du patient en soins palliatifs, de la rencontre à la prise en soin thérapeutique : en montrant comment le psychomotricien pouvait évaluer les besoins psychomoteur du patient en soins palliatifs, comment le psychomotricien peut accompagner le patient à travers diverses médiations psycho-corporelles. Pour une prise en charge globale et optimale, l'écoute et l'accompagnement de la famille du patient malade est nécessaire, le psychomotricien à toute sa place dans la guidance thérapeutique pour soutenir le lien entre le patient et sa famille. Enfin, le psychomotricien ne peut agir que parce qu'il est entouré d'une équipe interdisciplinaire où la part d’investissement de chacun permet de porter le projet de vie du patient et de répondre au mieux à ses besoins et ses attentes. 

 

Pour plus d'informations sur mon intervention : L'approche psychomotrice en soins palliatifs, me contacter via le formulaire de contact. https://www.laetitia-derlon.fr/contact-laetitia-derlon-psychomotricite-a-bouaye

 

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03 Juil 2023

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